Terreur, saison 1

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Terreur, saison 1

éditions Les Presses du Réel / Al Dante, 96 pages, 2018.
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Terreur saison 1 est un thriller ou des individus et des décideurs Européens, de Hénin-Beaumont à Marbella et de Linas-Monthléry à Treblinka, vont être soumis à de nouveaux modes de vie, et pour certains aux méthodes peu conventionnelles de l’entreprise LIFE, entreprise qui va en quelques années révolutionner le marché de la dépression mentale avec des molécules de nouvelle génération.

Roman d’Éric Arlix épousant la forme du thriller, Terreur, Saison 1 est une œuvre dystopique dépeignant une révolution des modes de vie en Europe engendrée par la commercialisation de molécules de nouvelle génération pour lutter contre la dépression.

Extrait

Des individus se levèrent de leur canapé Ora-ïto série spéciale Conforama à 534 euros, de leur clic-clac Hagalund de chez Ikea à 399 euros, de leur canapé Swan d’Arne Jacobsen à 9 934 euros et lâchèrent au sol ce qu’ils tenaient en main. Ils sortirent rapidement de chez eux pour crever les pneus de leurs voitures, des voitures de leurs voisins, d’autres voitures un peu au hasard, et partirent en chantant sans vraiment savoir où se rendre, sans objectif. Ils n’étaient que quelques centaines en Europe ce jour-là, de Braunau à Dovia di Predappio et de Francfort à Castres, ils n’étaient pas remarquables, certains passèrent néanmoins dans les rubriques « Faits divers » des médias, sans plus d’explications, le pétage de plombs n’étant pas en soi un sujet sur lequel beaucoup de forces intellectuelles avaient jamais été mobilisées. Des individus descendirent de leur Citroën C1, de leur Volkswagen Golf, de leur Porsche 911 Carrera 4 et se mirent à tabasser des gens avec leurs tout petits poings fragiles et jamais habitués à tuméfier, pilonner la chair d’un inconnu. Ils furent maîtrisés, incarcérés, sans plus d’explications, sans forces intellectuelles mobilisées. Quelques jours plus tard, des individus par centaines manquèrent leur train du soir, ne rentrèrent pas chez eux, furent recherchés, certains retrouvés, incarcérés sans plus d’explications, tuméfiés par la vie, par ce qu’ils ont vécu. Dans les jours qui suivirent de jeunes individus achetèrent en masse de fausses identités sur le net, vautrés dans des canapés en chantant et sans objectif. Des individus empathiques jusqu’au bout de la nuit devinrent ces jours-là subitement infâmes, insultants et totalement arrivistes, ils rigolaient à tue-tête, sans plus d’explication, certains passèrent dans les rubriques « Faits divers » des médias sans forces intellectuelles. Des individus célibataires totalement isolés en rase campagne se levèrent au milieu de la nuit pour se rassembler sur des places de petits villages voisins et entamèrent des discussions, avec objectifs et visées, ils ne rentrèrent pas chez eux, le phénomène intéressait les médias, il fallait se mobiliser, se lever du canapé, du net, prendre sa voiture et filer, pour couvrir un sujet sur lequel le pétage de plombs n’était pas en soi une explication satisfaisante. Des individus, dans toute l’Europe de La Haye à Vilnius et de Sarajevo à Saint-Malo, se mirent en pause, quelques minutes, quelques heures, souvent sur des canapés, sans vraiment savoir s’ils devaient s’inquiéter ou pas de cet état, de cette petite agonie éphémère, leurs entourages paniquèrent, en pleine nuit, sans vraiment savoir s’ils feraient la Une des « Faits divers ». Des individus jusqu’à ce jour pas remarquables, pas arrivistes, se levèrent de leurs canapés, lâchant boissons, chips et chaînes d’information continue pour partir en chantant en rase campagne où ils croisèrent des journalistes mobilisés, leurs Citroën C1, leurs Volkswagen Golf et leurs Porsche 911 Carrera 4 recouvertes de boue. Des individus et quelques décideurs entamèrent des conversations au milieu de petits villages isolés, tuméfiés par la vie moderne, sans plus d’explications et jusqu’au bout de la nuit, ils rentrèrent ensuite chez eux, sans crever de pneus, sans chanter à tue-tête. Ils étaient vraiment bien, là. Des individus, quelques jours plus tard, tentèrent de mobiliser les médias sur des faits divers, à peine remarquables, il était question de fausses identités, de pneus crevés, de disparitions temporaires et inexplicables de personnes s’étant subitement levées de leur canapé Ora-ïto série spéciale Conforama à 534 euros, de leur clic-clac Hagalund de chez Ikea à 399 euros, de leur canapé Swan d’Arne Jacobsen à 9 934 euros. Des individus commencèrent à remarquer que certains faits divers ne pouvaient être en soi de simples pétages de plombs et tentèrent de mobiliser d’autres individus, vautrés dans leurs canapés, en les alertant sur des phénomènes, des attitudes et des vies modernes tuméfiées, mais sans succès. La vie moderne tuméfiée des individus n’étant pas en soi un sujet sur lequel beaucoup de forces intellectuelles avaient jamais été mobilisées. Dans toute l’Europe des individus se levèrent de leur canapé, de leur Porsche 911 Carrera 4, de leur maison en rase campagne et commencèrent à ne plus avoir envie de leur petite agonie éphémère et tuméfiée, ils repoussèrent également toute envie de s’inquiéter, de stresser, de prendre des antidépresseurs et de se projeter dans des occupations ne nécessitant aucune force intellectuelle. Vraiment très peu de temps après, et ce, partout en Europe, des décideurs lâchèrent leur iPad Air, leur stylo plume Meisterstück LeGrand de Montblanc, leur discours managérial de motivation en cours et se rendirent dans le parc le plus proche pour profiter de l’air frais, de quelques rayons de soleil et entamer une pause non programmée. La tête tuméfiée par des décisions auxquelles ils ne croyaient plus, la tête bourrée d’antidépresseurs, ces décideurs restèrent plusieurs jours dans leurs parcs ce qui généra faits divers, inquiétudes des familles et attira de nombreux journalistes. D’autres décideurs optèrent quant à eux pour d’autres formules, motivés, ils commencèrent à ne plus avoir envie de leur petite agonie éphémère et tuméfiée par une vie moderne sans forces intellectuelles et sans plus d’explications. Des individus, déjà dans des parcs, aperçurent des décideurs en plein pétage de plombs, comme tuméfiés par la vie, et tentèrent d’entamer avec eux des discussions, avec objectifs et visées. Des individus, habitués des parcs, commencèrent à alerter les médias sur ces individus en plein pétage de plombs, seuls ou en groupes, certains rigolaient même à tue-tête vautrés sur des bancs publics. Ils ne voulaient pas rentrer chez eux, ils voulaient profiter de l’air frais, de quelques rayons de soleil et entamer une pause non programmée, le phénomène intéressait les médias, il fallait se mobiliser. Sur les chaînes d’information continue se multiplièrent les reportages sur des faits divers où l’on apprenait que de plus en plus d’individus généraient de nombreux faits divers. Des journalistes se levèrent de leurs bureaux Tanna de chez Habitat à 650 euros, de leurs bureaux Titan de chez Conforama à 79,20 euros, de leurs bureaux USM Haller de chez Über-Modern à 2 500 euros et lâchèrent au sol mugs personnalisés, cigarettes électroniques et tablettes numériques. Ils sortirent rapidement de leur société pour se rendre au parking et crever les pneus de leurs voitures pour ne plus partir en reportage couvrir des faits divers sans explications, des pétages de plombs pas si remarquables, des sujets sur lesquels beaucoup de forces intellectuelles n’avaient pas à être mobilisées. Commença alors une plus longue période sans faits divers concernant des individus ou des décideurs qui auraient pété les plombs, rigolé à tue-tête, entamé des pauses non programmées, seuls ou en groupes, et ce dans toute l’Europe de Bratislava à Namur et de Hénin-Beaumont à Marbella.