Invites sismiques
En compagnie d’un béluga et d’un champignon, nous observons des Invites Sismiques. Des histoires aux frontières perméables, des secousses peu perçues, des adresses en suspension, dans les bouleversements et la westernisation du monde.
Texte, mise en scène : Éric Arlix & Florence Jou
Musique : Éric Arlix
Durée : 40 mn
Performance réalisée en décembre 2019 à Nantes, festival Bifurcation#5 et à Toulouse à La cave Po’ en janvier 2020.
Extrait
Une tempête de signes,
une manifestation sonore se lève et s’amplifie,
enregistrée par les océanologues devant leurs sondeurs ultra-sonores,
leurs radars HF surfaces-océans,
leurs Lidars CE 370,
leurs scanners de tomodensitométrie et hydrophones,
émettent des données étranges, contradictoires, amplifiées,
que leurs licences ou masters, ne peuvent pas toujours expliquer.
Des sons sous-marins se mettent à percussionner, réverbérer, fendre mer et air,
un d’entre eux est enregistré pour la première fois, par la NOAA, aux alentours du point Némo, le point de l’océan, le plus éloigné de toute terre émergée, le bloop de sous les mers.
De multiples bloops des océans,
craquements des icebergs,
cryoséismes,
chants à 52 hertz des baleines bleues,
émissions de gaz des membranes des céphalopodes,
battements accélérés des tentacules du cthulhu, animal à tête de seiche,
respirations cloacales des concombres de mers et des échinodermes,
vocalises des rorquals de l’antarctique,
mouvements des nageoires des anthias et des labres,
écholocations des épaulards.
Moby a sûrement créé un sonderweg (un chemin particulier) pour le mouvement écologiste allemand, à l’avant-garde européenne dans les années 1970. Aujourd’hui le bateau « Moby Dick » de la compagnie fluviale de Bonn, raconte à ses passagers le fabuleux voyage de Moby. Une bien belle histoire qui fait sourire les croisiéristes moins les bélugas, encore moins les écologistes qui ne voient pas grand-chose arriver, mis à part une mutation de l’écologie vers le capitalisme vert.
Une tempête de signes,
De multiples bloops des océans,
craquements des icebergs,
cryoséismes,
chants à 52 hertz des baleines bleues,
Moby est un lanceur d’alerte. Un lanceur d’alerte est toute personne ou non-humain, ou groupe ou institution qui, ayant connaissance d’un danger, adresse un signal fort et enclenche un processus de révélation médiatique, de prise de conscience et de mobilisation collective. Le lanceur d’alerte a de grandes chances de finir en prison ou traumatisé car le bien commun n’est pas très commun et l’intérêt général peu privilégié par les forces économiques en charge du fonctionnement des sociétés. Les lanceurs d’alertes bénéficient néanmoins d’une large popularité et de reconnaissances sans conséquence de la part d’individus trop pré-occupés pour devenir à leur tour les héros d’un monde qui ne va pas bien. Les individus et les forces économiques trop occupés à devenir les héros quotidiens d’un monde qui va bien tendent à ignorer ou éliminer (médiatiquement) les lanceurs d’alertes. Le lanceur d’alerte peut être invisible et son adresse se perd alors dans la nature, une adresse fantôme, en suspension.